Le vieux marin

Perret Pierre

Je baisais, quand j'avais vingt ans,Dans tous les ports, dans toutes les villesDe Bornéo jusqu'à Lorient.Dehors, dedans, à domicile,Je baisais inlassablement.J'étais marin, toujours contentDe naviguer fort à l'aise,De tirer sur le cabestan,Jamais contrarié du gros temps,Pourvu qu'en arrivant, je baise.Je ne fréquentais les bordelsQue par pure délicatesseCar je plaisais aux demoisellesMais il faut penser à toutes cellesQui n'ont pour manger que leur fesses.J'en ai connu une bien gentille,Une belle coquine qui besognait.Elle m'enveloppait dans ses chevilles,Entre ses lèvres et ses poignets.On se rendait bien la monnaie.C'était une saine brunette,Or la mignonne profitaQue j'avais un chat dans la gorgePour butiner mon sucre d'orge.Le diabète ne l'inquiétait pas.La garce, elle a été perverse.Je l'encourageais en tout casCar ces pratiques étaient diversesEt la belle était folle de joieQuand sa menotte avait six doigts.Elle survolait toute ma couche.Son rose petit con charmantVenait se poser sur ma bouche.On aurait dit un oiseau moucheOu un papillon insouciantEt je bandais en soulevantLe drap mouillé de fusées fraîches,Changeant d'hôtel et de caresseEt en traversant ma jeunesseAu gré des filles, au gré du vent.Ainsi parlait un marseillais,Un vieux marin de la jolietteQui attirait encore les juponsCar nombreuses étaient les fillettesQui lui tiraient sur le pompon.Il dit : " J'ai le cœur plein de gaieté,Bien que je ne baise plus guère.A quatre-vingt balais, peuchère,Je me dis, putain, bonne mère,Que j'ai bien fait d'en profiter.A quatre-vingt balais, peuchère,Je me dis, putain, bonne mère,Que j'ai bien fait d'en profiter.

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