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La Rumeur

(Hamé)

Je suis un arabe non daté, extrait d'une longue plaie grattée et
D'un dressage raté par les chemins barrés. Je traîne les marques
Typiques de fragments d'Afrique qui ont poussé sur le sol froid des
Briques, des grilles et des griffes périphériques. 30 piges
D'absorptions toxiques et j'ai le souffle bref d'un vieux poumon
Sans frère, sans remède à sa fièvre, à l'extrême côté des tripes et
Des lèvres. Au creux des cages de fer, chaque verrou a son horaire
Et l'heure me presse aux pulsions réfractaires les plus sommaires.
Dans le Paris des muselières, je marche l'arme légère, un pied de
Biche en bandoulière. Une effraction intime, un keffieh noué à
Chaque rime, je trinque sec à la santé d'une émeute légitime et
Pisse un coup aux heures volées au fond du trou où j'apprends à me
Tenir debout sur ce mince fil qui manque de casser d'un coup, sur ce
Mince fil qui me sépare des fous. Je suis un arabe repris, en sursis
M'a-t-on dit, une tige d'ortie promise aux ennuis et qu'il en soit
Ainsi !

Refrain
Inscrivez greffier, le prévenu n'exprime aucun regret ! Veuillez
Verser au dossier, à charge pour dommages et intérêts, article 25
Bis alinéa premier.

Ici, l'usage est de ramper et de lécher m'a-t-on répété, les yeux et
L'âme courbés, à portée de pied. Ici l'usage est d'apprendre à se
Tenir, comme on apprend à se voir souffrir, comme on pose des
Cadenas sur l'avenir. C'est voté, vu et revu, je suis un arabe non
Avenu, rompu au grand art du tir à vue, une teigne connue des
Rubriques du chahut et des chasseurs d'intrus. Et la peur me précède
À chaque fenêtre ouverte où j'ai le malheur de mettre la tête et de
Planter ma silhouette. Cette peur, son odeur, ses chiffres, ses
Penseurs, ses marchands, ses clients, ses balles sifflantes en
Châtiment, cette peur par milliers de programmes hertziens, son
Ministère, ses gardiens, cette peur au poids de plomb, par décret
D'application, par folles exhortations à chaque veille d'élections,
Cette peur à la faveur du pouvoir et de l'argent, cette peur qui
Fatalement finira par changer de camp.

Nous sommes des foules à marcher les deux pieds couverts d'ampoules,
Des foules sous l'édifice en flammes, à tant bien que mal dénouer
Nos drames. Jusqu'à quand, combien de temps le ghetto restera-t-il
Aussi patient ? Jusqu'à quand, combien de temps le ghetto
Restera-t-il aussi patient ?

Refrain

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